Conseil de sécurité: pas de paix au Moyen-Orient sans solution à deux États, réaffirment la plupart des participants à un débat ministériel
Le débat public trimestriel du Conseil de sécurité sur la situation au Moyen-Orient, y compris la question palestinienne, organisé aujourd’hui au niveau ministériel, a été l’occasion pour l’immense majorité des participants de réaffirmer leur engagement en faveur de la solution des deux États, moins de deux mois avant la conférence internationale de haut niveau sur sa mise en œuvre, que doivent présider en juin, à New York, la France et l’Arabie saoudite. Israël a cependant estimé que cette conférence est d’ores et déjà « vouée à l’échec » car elle crée, selon lui, « des attentes fallacieuses ».
Dans une déclaration liminaire, le Secrétaire général de l’ONU a déclaré voir dans la conférence de juin une « véritable occasion de revitaliser le soutien international » à la solution des deux États « avant qu’il ne soit trop tard ». M. António Guterres a encouragé les États Membres à traduire les paroles en actes et à réfléchir de manière créative aux mesures concrètes qu’ils prendront pour concrétiser l’engagement qu’ils ont pris. « Le temps presse », a-t-il insisté, appelant à ne pas « laisser les extrémistes de tout bord saper ce qu’il reste du processus de paix ».
Dans les faits, a relevé le Chef de l’ONU, la situation s’est aggravée sur tous les fronts depuis les attaques du Hamas, le 7 octobre 2023. C’est le cas dans la bande de Gaza, où les habitants sont la cible d’attaques à répétition et privés d’une aide vitale. C’est aussi le cas en Cisjordanie occupée, y compris Jérusalem-Est, où les opérations militaires israéliennes, les déplacements forcés, les démolitions, les restrictions de circulation et l’expansion des colonies transforment radicalement les réalités démographiques et géographiques. Et alors que la violence exercée par les colons se poursuit dans un climat d’impunité, les attaques menées par des Palestiniens contre des Israéliens en Israël et en Cisjordanie occupée continuent elles aussi, a-t-il constaté.
L’acheminement de l’aide humanitaire « n’est pas négociable »
Dans ce contexte marqué par la reprise, le 18 mars, des frappes et des opérations militaires israéliennes, qui ont fait quelque de 2 000 morts parmi les Palestiniens de l’enclave, ainsi que des tirs de roquettes du Hamas sur Israël, les otages restent détenus dans des conditions épouvantables et la situation humanitaire, déjà mauvaise, « n’a fait qu’empirer et dépasse aujourd’hui l’entendement ». Alors qu’Israël bloque depuis près de deux mois toutes les livraisons d’aide humanitaire, le Secrétaire général s’est dit alarmé par les déclarations de représentants d’Israël sur l’utilisation de cette assistance comme moyen de pression militaire.
Ce n’est « pas négociable », a-t-il martelé, avant de rappeler qu’Israël est tenu de faciliter l’acheminement de l’aide et de garantir la sécurité du personnel des Nations Unies et des partenaires humanitaires. Les entités de l’ONU, à commencer par l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), doivent pouvoir travailler dans le plein respect des principes humanitaires, a ajouté M. Guterres, précisant que ces points sont repris dans la déclaration orale faite hier, en son nom, devant la Cour internationale de Justice, par la Conseillère juridique de l’ONU, dans le cadre de la procédure consultative engagée sur les obligations d’Israël, Puissance occupante et Membre de l’ONU, en ce qui concerne la présence et les activités des entités des Nations Unies dans le Territoire palestinien occupé.
« Si les bombes pleuvent à Gaza, tout le reste y manque », s’est à son tour indigné l’Observateur permanent de l’État de Palestine, qui a évoqué les privations de la population de Gaza et accusé Israël d’instrumentaliser la faim à des fins militaires. Après avoir rendu hommage au personnel « héroïque » des Nations Unies qui maintient son action malgré les risques encourus, il a fustigé l’avancement des projets d’annexion d’Israël, tout en jugeant possible le déploiement de solutions pour que le Hamas ne soit plus aux commandes à Gaza et que le territoire soit reconstruit sans déplacement de population.
Saluant les diverses initiatives des pays arabes en soutien à la cause palestinienne, l’Observateur permanent a aussi invité les États Membres qui ne l’ont pas encore fait à reconnaître l’État de Palestine et, ainsi, affirmer qu’ils n’en accepteront pas l’effacement. Dans la même veine, il a qualifié d’« insensés » les propos du Premier Ministre israélien selon lesquels la solution des deux États signifierait la destruction d’Israël. C’est au contraire Israël qui est « déterminé à annihiler le peuple palestinien », a-t-il lancé, estimant qu’il n’existe pas de « plan B » à la solution appuyée par la communauté internationale.
Pas de compromis sur notre sécurité, avertit Israël
Aux antipodes de cette vision, le représentant d’Israël a averti que la conférence de juin « risque de causer plus de tort qu’autre chose ». Elle « crée des attentes fallacieuses tout en ignorant le fonctionnement de l’Autorité palestinienne, qui continue de soutenir le terrorisme, refuse de mener des réformes et s’attaque à Israël dans les instances internationales », a-t-il regretté, avant de dénoncer les mesures unilatérales « décidées par des parties qui ne sont pas concernées ».
De l’avis du délégué, tout comme on ne peut pas parvenir à la souveraineté libanaise en tolérant le Hezbollah ou promouvoir la coopération régionale en ignorant les aspirations nucléaires de l’Iran, « on ne peut pas prétendre défendre la paix en légitimant des forces qui ont massacré des familles entières dans le plus grand massacre de juifs depuis l’Holocauste ». Face aux menaces que constituent « le terrorisme, le fanatisme et l’aveuglement international » pour la région, Israël est prêt à approfondir sa coopération, a-t-il assuré. « Mais nous ne ferons pas de compromis sur la sécurité de notre population. »
Israël a été appuyé par les États-Unis, selon lesquels les combats cesseraient demain si le Hamas déposait les armes et libérait les otages. C’est cette « organisation terroriste barbare » qui empêche de réunir les conditions nécessaires à un cessez-le-feu, préalable à toute solution, a défendu la délégation, avant d’affirmer que les Forces de défense israéliennes s’évertuent, elles, à prévenir les torts contre les civils à Gaza, comme en atteste l’enquête lancée par ces dernières sur l’incident du 23 mars, au cours duquel des travailleurs humanitaires ont perdu la vie.
Faire progresser la reconnaissance de l’État de Palestine
« Le Hamas ne doit plus gouverner à Gaza et nous devons bâtir les capacités de l’Autorité palestinienne, élément central d’un futur État », a plaidé le Sous-secrétaire d’État parlementaire au Ministère des affaires étrangères, du Commonwealth et du développement du Royaume-Uni, tout en qualifiant d’inacceptable le blocus de l’aide humanitaire à Gaza depuis près de deux mois. Le Ministre de l’Europe et des affaires étrangères de la France, qui présidait le débat, a lui aussi exhorté Israël à lever tous ces blocages, dénonçant « un alarmant retour en arrière pour la population, pour les otages israéliens et pour la sécurité de la région tout entière ».
Pour le Chef de la diplomatie française, la solution des deux États est la seule à même de répondre au conflit en Palestine. À cette aune, la conférence sur sa mise en œuvre vise à « faire progresser la reconnaissance de l’État de Palestine et la normalisation de ses relations avec Israël », a-t-il précisé, ajoutant qu’une telle feuille de route passera nécessairement par le désarmement du Hamas et son exclusion de la gouvernance à Gaza.
À l’instar de la Secrétaire générale du Ministère des affaires étrangères et européennes de la Slovénie, qui a rappelé que son pays a reconnu l’État de Palestine en juin 2024, la plupart des autres États Membres représentés à ce débat ont redit leur foi en la solution des deux États, saluant au passage la tenue de la conférence qui sera coprésidée par la France et l’Arabie saoudite. Le Pakistan a souhaité qu’à cette occasion soient discutés la création d’un État de Palestine reconnu comme tel au sein de l’ONU, le gel des activités de peuplement et les mesures permettant de protéger les civils et les Lieux saints.
Alors que la Ligue des États arabes, par la voix de la Libye, et le Qatar ont aussi exprimé leur appui à cette conférence, l’Égypte a estimé que le rendez-vous de juin doit être le point de départ de discussions destinées à établir « un calendrier clair pour trouver un horizon politique ». Elle a également appelé la communauté internationale à soutenir les efforts des médiateurs œuvrant à la paix à Gaza (Égypte, États-Unis et Qatar), à appuyer le plan de reconstruction arabo-islamique et à participer à la prochaine conférence du Caire sur la reconstruction de l’enclave.
L’État de Palestine, « un rêve qui s’effiloche »
Plus incisive à l’égard d’Israël, la Fédération de Russie a dénoncé la poursuite du « châtiment collectif » infligé aux Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie, ainsi que l’absence de mécanisme de reddition de compte contre la Puissance occupante. Évoquant les propos du Premier Ministre israélien quant au maintien de l’autorité de son pays à Gaza, la délégation a considéré qu’il s’agissait « ni plus ni moins d’un renoncement à la solution des deux États » et d’un démantèlement des bases juridiques internationales visant à mettre un terme au conflit.
« L’idée d’un État palestinien ressemble à un rêve qui s’effiloche », a renchéri l’Algérie en dénonçant une « campagne de génocide, de nettoyage ethnique et de destruction systématique de la vie des Palestiniens et de leurs moyens de subsistance ». Mais malgré de décennies d’occupation, de vagues d’expulsion et de souffrances indicibles, le peuple palestinien ne s’est jamais rendu, a-t-elle fait remarquer, se disant convaincue qu’avec l’appui de la communauté internationale, « il réalisera son droit inaliénable à l’autodétermination et créera un État indépendant et souverain ».
Appelant pour sa part à un cessez-le-feu durable, « meilleure option pour sauver des vies et permettre la libération des otages », la Chine a enjoint à Israël de renoncer à son « obsession de la force », de s’acquitter de ses obligations en tant que Puissance occupante et de cesser ses attaques sur Gaza, le Liban et la Syrie. Les États-Unis doivent quant à eux cesser leurs raids aériens contre le Yémen, a-t-elle ajouté, exhortant dans le même temps les houthistes à ne plus menacer la navigation en mer Rouge.
Ce débat sur le Moyen-Orient a aussi été marqué par l’intervention de la Syrie, qui, après avoir rappelé les avancées enregistrées depuis la chute du régime de Bachar el-Assad en décembre dernier, a accusé Israël de mettre en péril cette transition par ses bombardements répétés et son occupation continue du Golan. Le Liban s’est, lui, félicité du processus de normalisation de ses relations avec son voisin syrien, avant de dénoncer l’« intransigeance » d’Israël, qui continue d’occuper son territoire et de détenir des citoyens libanais. Il a appelé le Conseil à contraindre celui-ci à se retirer sans condition et à respecter la résolution 1701 (2006).
(Lire la déclaration du Secrétaire général)
***Suivez la couverture des réunions en direct sur notre LIVE***