ECOSOC: le débat sur la gestion entérine des décisions d’organes subsidiaires, dont une résolution fort débattue sur « le genre dans le système onusien »
Le Conseil économique et social (ECOSOC) a entamé aujourd’hui son débat consacré à la gestion qui lui permet de concrétiser les recommandations et décisions de ses organes subsidiaires, dont les mandats vont du développement social à la coopération internationale en matière fiscale, en passant par les questions de genre. Il a notamment accordé le statut consultatif spécial à 132 ONG.
Certaines notions et certains concepts contenus dans la résolution intitulée « Prise en compte des questions de genre dans l’ensemble des politiques et programmes du système des Nations Unies » ont été discutés par de nombreuses délégations, à commencer par la Fédération de Russie qui a reproché à la résolution de promouvoir des concepts contestés. Beaucoup ont critiqué le fait que ces éléments du texte ne sont pas consensuels et n’ont pas fait l’objet d’approbation au préalable.
La présentation des rapports a permis notamment de faire le point sur les stupéfiants, comme les drogues synthétiques illicites, en propagation rapide. Du côté du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), sa représentante a souligné la nécessité de mettre pleinement en œuvre la Convention relative aux droits de l’enfant en s’attaquant en particulier à la discrimination systémique, en maintenant les protections juridiques et en veillant à ce que, même en temps de crise, les enfants soient considérés et traités comme des « titulaires de droits », et non comme des bénéficiaires passifs.
Promotion des femmes
Le texte ayant suscité toutes les attentions est intitulé « Prise en compte des questions de genre dans l’ensemble des politiques et programmes du système des Nations Unies » (E/2025/L.14). Par ce texte, l’ECOSOC prend note du rapport éponyme du Secrétaire général (E/2025/58) et des recommandations qui y figurent. L’ECOSOC exhorte ainsi les organismes des Nations Unies à accélérer encore la prise en compte des questions de genre dans les politiques et programmes qu’ils mettent en œuvre pour faire face aux situations d’urgence et aux autres défis mondiaux. Alors qu’il constate que seules cinq femmes ont été élues à la présidence de l’Assemblée générale depuis la création de l’Organisation, il encourage vivement les États Membres à présenter la candidature de femmes à cette présidence.
Dans l’alinéa e) du paragraphe 10 de ce texte, l’ECOSOC demande au système des Nations Unies, y compris aux organismes, fonds et programmes des Nations Unies, agissant dans le cadre de leur mandat, de veiller à la réalisation de tous les objectifs de développement durable, y compris « en tirant parti du Plan pour l’accélération de la réalisation de l’égalité des genres dans le système des Nations Unies pour lutter contre les tentatives visant à saper l’égalité des genres et protéger les défenseuses et défenseurs des droits humains des femmes, conformément aux normes internationales pertinentes, partout dans le monde ».
Ce dernier paragraphe a suscité de nombreuses réactions. La Fédération de Russie a relevé que certains aspects du texte font référence à des approches qui sont promues par le Secrétariat des Nations Unies mais qui n’ont pas été adoptées par les États Membres. Elle s’est donc dissociée de certains paragraphes comprenant ces concepts. Réaction similaire du Bélarus, du Zimbabwe, du Burundi, du Burkina Faso et du Mali, ainsi que de la République islamique d’Iran pour qui on ne peut pas promouvoir une initiative non négociée au niveau intergouvernemental.
L’Arabie saoudite a aussi évoqué des « concepts controversés » qui contredisent les valeurs du pays et sa culture, alors que l’Algérie a clairement identifié l’alinéa e) du paragraphe 10 comme la pomme de discorde. Le fait de s’appuyer sur ce document est problématique, a renchéri l’Égypte en se dissociant desdites mentions, à l’instar de la Chine et du Nigéria pour qui « les droits sont variables selon les pays et les cultures ». Le Sénégal a fait pareil en déclarant que le terme « genre » ne renvoie qu’aux deux sexes que sont l’homme et la femme.
Après l’adoption de la résolution, le Cameroun a lui aussi décidé de ne pas appuyer l’alinéa e) du paragraphe 10, rappelant que les sexes masculin et féminin sont les seuls que le pays reconnaît. L’Argentine a précisé que bien que les droits des femmes soient une priorité, la vision de cette résolution ne tient pas compte des contextes divers des États. Les pays ayant déjà avancé dans le cadre de l’autonomisation des femmes n’ont pas besoin d’une telle directive si les femmes sont déjà socialement intégrées au même titre que les hommes, a-t-elle avancé. Face à ces nombreuses réserves, la Tunisie, qui a coordonné les négociations, a marqué sa surprise. Pour elle, cela aurait dû être discuté au moment des négociations et pas après.
Dans le cadre ce même point de l’ordre du jour, l’ECOSOC a pris note du dernier rapport en date de la Commission de la condition de la femme (E/2025/27) et a ensuite entériné la résolution s’y trouvant, adoptant ainsi le Programme de travail pluriannuel de la Commission (E/CN.6/2025/L.5). Il a aussi approuvé l’ordre du jour provisoire et la documentation de sa prochaine session.
Le Conseil a ensuite pris note du dernier rapport en date du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (A/80/38).
Développement durable
L’ECOSOC a également pris note du rapport sur les travaux du Comité des politiques de développement (E/2025/33), par la résolution E/2025/L.9, en approuvant les recommandations qui y sont formulées. Ainsi, le Conseil engage la communauté internationale à fournir un soutien ciblé aux pays les moins avancés, y compris les pays récemment sortis de cette catégorie, aux fins de la mise en œuvre du Programme d'action de Doha en faveur des pays les moins avancés et pour les aider à faire face aux multiples crises mondiales.
Population et développement
L’ECOSOC a pris note du dernier rapport en date de la Commission de la population et du développement (E/2025/25). Réagissant à ce rapport, le Mexique a regretté que la Commission n’ait pu adopter un document consensuel en fin de session. La délégation a également souhaité que les sessions de la Commission de la population ne soient plus si proches des dates de la session annuelle de la Commission de la condition de la femme.
Questions sociales et questions relatives aux droits humains
Stupéfiants
Le Conseil a entendu la présentation des derniers rapports de la Commission des stupéfiants sur ses derniers travaux (E/2024/28/Add.1 et E/2025/28). Il a entériné deux décisions, pour prendre note du rapport de la Commission et de celui de l’Organe international de contrôle des stupéfiants pour 2024 (E/INCB/2024/1).
Le Chili et la Pologne ont évoqué des résolutions qu’ils ont parrainées et qui s’inscrivent dans l’optique de la lutte contre les stupéfiants. Il en va de même pour la France qui a rappelé une résolution qu’elle a coparrainée sur l’impact des drogues sur l’environnement. Une question peu traitée alors que les enjeux sont importants, puisque la production d’un kilogramme de drogue synthétique conduit à la production de près de 30 kilogramme de déchets qui sont rejetés dans la nature, a expliqué la France.
Droits humains
L’ECOSOC a entendu et ensuite pris note du rapport du Comité des droits économiques, sociaux et culturels sur ses soixante-quinzième et soixante-seizième sessions (E/2025/22).
Examen conjoint des points de l’ordre du jour
- Développement durable dans l’application et le suivi du Programme de développement durable à l’horizon 2030
- Application et suivi des textes issus des grandes conférences et réunions au sommet organisées par les Nations Unies
- Application des résolutions 50/227, 52/12 B, 57/270 B, 60/265, 61/16, 67/290, 68/1, 72/305, 75/290 A et B et 78/285 de l’Assemblée générale
Sur ces aspects de l’ordre du jour, le Conseil a entendu la présentation de la note du Secrétaire général relative aux principales décisions, conclusions et recommandations de politique générale formulées par le Comité de la sécurité alimentaire mondiale (E/2025/51). Le Conseil a aussi entendu la présentation de la note du Secrétaire général relative au rapport d’ONU-Nutrition, conformément à la décision 2018/207 du Conseil (E/2025/48).
Questions de coordination, questions relatives au programme et autres questions
Rapports des organes de coordination
Le Conseil économique et social a entendu la présentation du rapport annuel d’ensemble du Conseil des chefs de secrétariat des organismes des Nations Unies pour la coordination pour 2024 (E/2025/13).
Activités opérationnelles du système des Nations Unies au service de la coopération internationale pour le développement
Abordant cette question, l’ECOSOC a pris note (E/2025/L.13) des rapports ayant été soumis lors du débat de 2025 consacré aux activités opérationnelles de développement, qui s’est tenu du 20 au 22 mai 2025:
- le rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 79/226 de l’Assemblée générale sur l’examen quadriennal complet des activités opérationnelles de développement du système des Nations Unies;
- le rapport de la Présidente du Groupe des Nations Unies pour le développement durable sur les travaux du Bureau de la coordination des activités de développement, y compris sur les plans opérationnels et administratifs et celui du financement;
- le Rapport de la Directrice exécutive du Bureau du Groupe des Nations Unies pour le développement durable chargé des évaluations à l’échelle du système.
Questions sociales et questions relatives aux droits humains
Développement social
Le Conseil a entendu, sur ce point, le rapport du Secrétaire général sur les préparatifs et la célébration du trentième anniversaire de l’Année internationale de la famille, publié sous la cote (A/80/61-E/2025/11) et celui du Secrétaire général sur la suite donnée aux conclusions de la session extraordinaire de l’Assemblée générale consacrée aux enfants (A/79/274–E/2025/3). Enfin, il a entendu présenter le rapport sur les travaux de la soixante-troisième session de la Commission du développement social -14 février 2024 et 10-14 février 2025- (E/2025/26) en en prenant note.
Ce dernier rapport contenait des résolutions envoyées à l’ECOSOC par la Commission. La résolution I porte sur l’« organisation des travaux et méthodes de travail futures de la Commission du développement social » (E/CN.5/2025/L.7), alors que la résolution II est relative aux « aspects sociaux du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique » (E/CN.5/2025/L.5). Quant à la résolution III, elle s’intitule « Renforcer la solidarité, l’inclusion sociale et la cohésion sociale pour accélérer la réalisation des engagements pris dans la Déclaration de Copenhague sur le développement social et le Programme d’action du Sommet mondial pour le développement social ainsi que la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 » (E/CN.5/2025/L.4). Enfin, la résolution IV porte sur les « modalités du cinquième cycle d’examen et d’évaluation du Plan d’action international de Madrid de 2002 sur le vieillissement » (E/CN.5/2025/L.6).
Par une autre décision, le Conseil a confirmé la nomination de trois personnes au Conseil d’administration de l’Institut de recherche des Nations Unies pour le développement social: M. Olivier De Schutter et Mme Graziella Moraes Silva, pour un nouveau mandat de deux ans prenant effet le 1er juillet 2025; et Mme Jenina Joy Chavez, pour un mandat de quatre ans prenant effet le 1er juillet 2025.
L’Argentine a tenue à rappeler qu’elle s’est dissociée du Pacte pour l’avenir et souligné que les ODD sont non contraignants pour les États.
Institutions de recherche et de formation des Nations Unies
L’ECOSOC a entendu la présentation du rapport du Secrétaire général sur l’Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche (UNITAR) (E/2025/50) et le rapport du Conseil de l’Université des Nations Unies sur les travaux de l’Université (E/2025/49), tout comme celui du Secrétaire général sur l’École des cadres du système des Nations Unies (E/2025/52) et le rapport de l’Institut interrégional de recherche des Nations Unies sur la criminalité et la justice.
L’Italie a dit soutenir les travaux de ces deux dernières institutions installées sur son territoire, en appelant les États Membres à les soutenir financièrement au vu de leur importance.
À propos de l’École des cadres du système des Nations Unies, basée à Turin (Italie), l’ECOSOC a adopté une résolution (E/2025/L.6) pour prendre acte du rapport du Secrétaire général et saluer les progrès accomplis au cours des deux dernières années par l’École, qui dispense un enseignement et une formation de qualité au personnel du système des Nations Unies et des organisations partenaires concernées.
Aux termes d’un autre texte relatif à l’Institut interrégional de recherche des Nations Unies sur la criminalité et la justice (E/2025/L.7), le Conseil a encouragé l’Institut à continuer d’appliquer une démarche fondée sur les faits et les données dans les activités de recherche, de formation et d’aide à l’élaboration des politiques qu’il mène à l’appui des États Membres. De plus, il lance un appel à tous les États Membres pour qu’ils envisagent de verser des contributions volontaires afin de permettre à l’Institut de poursuivre et d’étendre ses activités, en vue de trouver des solutions aux problèmes recensés dans son cadre de programmation stratégique pour 2023-2026, notant que l’Institut est financé au moyen de ressources extrabudgétaires.
De même, par une résolution relative à l’Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche (E/2025/L.12), l’ECOSOC a pris note avec intérêt du rapport du Secrétaire général et engagé l’Institut à continuer d’étoffer sa programmation en s’alignant sur le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et d’augmenter le nombre de bénéficiaires des activités qu’il mène pour répondre aux besoins en matière de formation et de perfectionnement, particulièrement ceux des pays les plus en difficulté, notamment en tirant parti de mécanismes de financement novateurs.
Questions relatives à l’économie et à l’environnement
Statistiques
Après avoir adopté le rapport sur les travaux de la cinquante-sixième session (4-7 mars 2025) et arrêté les dates de la cinquante-septième session, le Conseil a adopté les projets de résolution I et II, respectivement dédiées aux systèmes de compatibilité nationale, et aux programmes mondiaux de recensements de la population et des logements de 2030, par le truchement desquels chaque pays est invité à procéder à un recensement de sa population au cours de la décennie 2025-2034.
En présentant le rapport, le Président de l’organe a espéré que ces travaux guideront le système statistique mondial ainsi que les travaux futurs de la Division de statistique du Département des affaires économiques et sociales (DESA). Il a indiqué notamment que la Commission a approuvé l’examen technique final des indicateurs des objectifs de développement durable (ODD), ce qui a permis de confirmer la majorité d’entre eux tout en ajustant un petit nombre de ces indicateurs en fonction des nouvelles méthodologies et des nouvelles technologies.
Coopération internationale en matière fiscale
L’ECOSOC s’est ensuite penché sur les deux projets de décision lui étant présentés dans le chapitre I du rapport du Comité d’experts de la coopération internationale en matière fiscale. Il a ainsi entériné les « lieu, dates et ordre du jour provisoire de la trentième session du Comité d’experts de la coopération internationale en matière fiscale » ainsi que la proposition d’instruments d’adoption accélérée pour la modification simplifiée des conventions bilatérales de double imposition.
Une troisième décision concernant le lieu, les dates et l’ordre du jour provisoire de la prochaine, et trente et unième, session, proposée dans l’addendum du rapport du Comité d’experts, a également été adoptée.
La Coprésidente du Comité en a profité pour rendre compte des travaux des deux dernières sessions, en se targuant d’avoir finalisé des directives dans des domaines tels que la taxation des industries extractives, la fiscalisation environnementale, la numérisation fiscale, la transparence, l’impôt sur la fortune, la solidarité, la fiscalisation des cryptomonnaies, entre autres.
Organisation non gouvernementales (ONG)
Examen du rapport du Comité des ONG sur sa session ordinaire de 2025 (E/2025/32 (Partie I))
Après avoir pris note du rapport de la session ordinaire de 2025 du Comité des organisations non gouvernementales, l’ECOSOC a entériné les recommandations concernant les demandes de statut consultatif, de changement de nom et les rapports quadriennaux reçus de la part d’ONG. Ainsi, 132 ONG ont obtenu le statut consultatif spécial auprès de l’ECOSOC.
Coordination, programme et autres questions
Calendrier des conférences et réunions dans les domaines économique et social et dans les domaines connexes
Une fois après avoir pris connaissance d’une lettre datée du 23 avril 2025 adressée au Président de l’ECOSOC par le Président du Comité des conférences, ainsi que d’une note du Secrétariat dans laquelle l’ECOSOC est invité à examiner le calendrier provisoire des conférences et des réunions pour 2026 et 2027 dans les domaines économique et social et dans les domaines connexes, ledit calendrier a été approuvé par l’adoption d’une résolution à l’unanimité.
Élections, présentations de candidatures, confirmations et nominations
L’ECOSOC a procédé à l’élection de membres du Conseil d’administration du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) et du Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS).
L’Inde a été élue par acclamation à la Commission de la population et du développement pour un mandat de quatre ans; ainsi que l’Uruguay, pour la même durée, à la Commission de la consolidation de la femme pour la région Amérique latine et Caraïbes.
Le Conseil a aussi élu par acclamation Mme Aili Keskitalo (Norvège) à l’Instance permanente sur les questions autochtones, pour un mandat de trois ans commençant le 1er janvier 2026.
Bahreïn a été élu au Conseil d’administration d’ONU-Femmes pour un mandat de trois ans commençant le 1er janvier 2026; l’Australie et la Belgique, par acclamation, au Conseil d’administration du Programme alimentaire mondial pour un mandat de trois ans commençant lui aussi le 1er janvier 2026. Enfin, le Brésil et le Cambodge ont été élus au Conseil de coordination du Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida, pour un mandat de trois ans.
Le Conseil se réunira à nouveau demain matin, jeudi 11 juin, à 10 heures, pour une table ronde consacrée à l’accélération de la mise en œuvre des ODD, ainsi qu’à l’élaboration de recommandations pragmatiques de l’ECOSOC et de ses organes subsidiaires en vue du forum politique de haut niveau sur le développement durable.
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